Leur avocate a obtenu la levĂ©e de leur dĂ©tention provisoire, pour des raisons de procĂ©dure, alors quâils devaient ĂȘtre jugĂ©s en comparution immĂ©diate.
Par Nicolas Bastuck
Publié le 27/05/2024 à 17h30
Dans cette affaire, le juriste dira : « La loi, rien que la loi et son application stricte ».
â
Temps de lecture : 4 min
â
Les « répressifs » jugeront ça scandaleux. Les « droits-de-l'hommistes » applaudiront des deux mains. Le juriste dira : « La loi, rien que la loi et son application stricte. »
â
Poursuivies pour trafic de stupĂ©fiants, trafic d'armes, vols de voitures et participation Ă une association de malfaiteurs en vue de la prĂ©paration d'un crime, en France et dans plusieurs pays voisins, neuf personnes â dont une femme â ont Ă©tĂ© remises en libertĂ© par le tribunal correctionnel de Lille, pour des raisons de pure procĂ©dure et sous les applaudissements du public prĂ©sent dans la salle. L'un de leurs avocats, Me Sonia Bernonville, avait soulevĂ© le 15 mai une sĂ©rie de « nullitĂ©s » et dĂ©noncĂ© « un dĂ©voiement des rĂšgles de la comparution immĂ©diate », voie choisie par le parquet pour juger les neuf comparses.
Ces derniers avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s aprĂšs une « minutieuse enquĂȘte » et au terme d'un « vaste coup de filet », selon la formule consacrĂ©e. SitĂŽt la mesure de garde Ă vue levĂ©e, tout ce petit monde s'Ă©tait retrouvĂ© devant le tribunal correctionnel, le 12 avril pour les cinq prĂ©venus impliquĂ©s dans le trafic de voiture, le 19 avril pour les quatre autres (trafic d'armes et de stupĂ©fiants). « Chaque dossier faisait 2 000 pages, c'est bien simple, il m'a fallu six valises pour les transporter », raconte Me Bernonville.
â
Dans sa grande sagesse, le tribunal suggĂšre dans les deux cas de renvoyer l'affaire, le temps pour lui de les Ă©tudier. La dĂ©fense, Ă qui le dossier avait Ă©tĂ© transmis le matin mĂȘme, demande Ă son tour un dĂ©lai. Reste Ă statuer sur le sort des prĂ©venus. La dĂ©cision des juges ne se fait guĂšre attendre : dĂ©tention provisoire pour tout le monde, jusqu'au 15 mai, date fixĂ©e pour une audience « au fond ».
Deux jours plus tard, les avocats reçoivent un mail de la juridiction, qui les informe que l'audience du 15 mai ne sera, en fait, qu'une question de procédure. « On nous a indiqué que cette audience servirait seulement à discuter de la prolongation de la détention de nos clients, dans l'attente du véritable examen des faits, le 5 juin », relate Me Bernonville.
Dans le jargon judiciaire, on appelle ça « une audience relais ». ProblÚme : d'« audience relais », il n'est nullement question dans le Code de procédure pénale, en tout cas pas en matiÚre de comparution immédiate.
Le parquet, qui voulait aller vite et garder Ă tout prix les suspects sous la main â on peut le comprendre, Ă l'heure oĂč le narcotrafic fait dĂ©bat jusqu'au SĂ©nat â, n'avait que deux solutions pour parvenir Ă ses fins : ouvrir une information judiciaire, autrement dit saisir un juge d'instruction, ou dĂ©fĂ©rer les trafiquants prĂ©sumĂ©s en comparution immĂ©diate, procĂ©dure d'urgence de plus en plus utilisĂ©e, y compris pour des dossiers complexes.
â
Me Bernonville est contrariĂ©e par le mail qu'elle reçoit. Elle « comprend » que la justice, « qui manque de moyens », puisse « privilĂ©gier les audiences rapides ». En mĂȘme temps, elle est avocate et tient au respect des rĂšgles de la procĂ©dure. Ne lui a-t-on pas enseignĂ© qu'elle Ă©tait « la sĆur jumelle des libertĂ©s individuelles ? »
Alors, Ă l'audience du 15 mai, elle se lance et soulĂšve six « nullitĂ©s ». La jeune plaideuse Ă©voque « un contournement » des rĂšgles de la comparution immĂ©diate, dans le seul but de maintenir les prĂ©venus au chaud. « La dĂ©tention provisoire est une mesure grave, qui consiste Ă enfermer des personnes prĂ©sumĂ©es innocentes ; la moindre des choses est que les rĂšgles qui la permettent soient respectĂ©es scrupuleusement, ce qui n'a pas Ă©tĂ© le cas », explique-t-elle au Point. « Anticiper un renvoi futur, par un simple courriel, contrevient, de surcroĂźt, au principe de publicitĂ© des dĂ©bats judiciaires », plaide-t-elle encore. Le juge statue « au nom du peuple français » et en sa prĂ©sence â au moins en thĂ©orie.
La jeune avocate plaide avec fougue et, contre toute attente, le tribunal lui donne raison â contre l'avis du parquet, qui souhaitait maintenir tout le monde en prison. Ses deux clients sont remis en libertĂ© et, mĂ©caniquement, les sept autres avec eux. Ils comparaĂźtront libres Ă l'audience du 5 juin â s'ils daignent s'y prĂ©senter.
â
Me Bernonville s'excuserait presque : « La justice doit faire face à de nombreux défis et je peux comprendre qu'elle ait fait dans cette affaire le choix de l'efficacité », explique-t-elle. Pour autant, « l'efficacité des procédures ne doit pas nuire aux droits des justiciables », ajoute-t-elle. Magnanime, elle « salue » la décision du tribunal : « Cette solution permet de réaffirmer les fondements de notre systÚme juridique, qui font toute sa grandeur. »
N'en jetez plus !
https://www.lepoint.fr/societe/trafic-d-armes-et-de-stups-a-lille-neuf-suspects-remis-en-liberte-27-05-2024-2561276_23.php#11
â
â
â
Besoin d'un conseil juridique ?
Chaque situation est unique. Obtenez une analyse personnalisée de votre dossier avec Maßtre Bernonville.
Prendre Rendez-vous
Lundi au Samedi : 09h00 - 17h00
Etre rappelé
Lundi au Samedi : 09h00 - 17h00
Urgence Garde Ă vue
24h/24 â 7j/7
Appelez le secrétariat
36 rue de Thionville - 59000 LILLE
Envoyez un e-mail
428
Cabinet accessible aux personnes
à mobilité réduite
Ligne 17